Tauxier, Louis, Le noir de Bondoukou

(Paris :  E. Leroux,  1921.)

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GHAPITRE   m
POUVOIRS  PUBLICS  ET  RELIGION
 

Nous dirons, avant d'aborder la religion dyoula qui forme l'objet prin¬
cipal de ce chapitre, quelques mots sur les pouvoirs publics dyoulas dans
le cercle de Boudoukou. Ici en effet ils se sont à peine développés, non
par faute de virtualité, non par inaptitude foncière à le faire, mais à cause
des circonstances extérieures : les Dyoulas de Bondoukou se sont heurtés
en effet, comme nous le savons, à une race guerrière et conquérante, les
Abrons, et se sont soumis à elle. Les pouvoirs publics supérieurs sont donc
détenus par les Abrons. Les pouvoirs publics dyoulas ne comprennent guère
que des chefs de quartier et des almamys ou chefs de village.

Dans les villages où n'y avait que des Dyoulas, l'almamy, chef de tous
les Dyoulas du village, était également le chef du village. A Bondoulcou,
l'almamy, avant notre arrivée, n'était pas le chef de la ville de Bondoukou,
mais seulement le chef de tous les Dyoulas et autres musulmanisés de Bon¬
doukou (Huélas, Haoussas). Le chef de la ville ou chef du village était le
chef des Nafanas qïii relevait lui-même des Abrons. Depuis notre arrivée
dans le cercle, Palmamy de Bondoukou est devenu le vrai chef de la ville
de Bondoukou et même un chef de canton, comme nous le savons déjà, et
même le personnage le plus important du cercle après le roi abron.

Est-ce à dire que la situation des Dyoulas, avant Parrivée des Français,
fut celle des Koulangos ou celle des G'bins, Gouros, Nafanas etc, sous le
joug des Abrons? Nullement. Les Dyoulas, à cause de leur intelligence,
de leur esprit mercantile, de leur richesse relative et de leur islamisation,
avaient une situation privilégiée sous la domination^abron. Les Abrons les
respectaient bien plus que les autres indigènes, et, bien que fétichistes
eux-mêmes, bien plus que leurs sujets fétichistes.

Geci n'a rien qui doive nous étonner. Nous avons vu en étudiant le pays
mossi (dans des livres précédemment parus) que les Yarsés, ces commer¬
çants du Mossi et du Gourounsi, proches parents des Soninkés et des
Dyoulas, avaient une situation analogue auprès des Mossis conquérants.

Il en est de même du reste dans toute PAfrique occidentale. Quand les
commerçants musulmanisés ne commandent pas un pays, ils ont une si¬
tuation à part auprès des maîtres de celui-ci.
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