Brézol, Georges. Les Turcs ont passé là

(Paris :  Brézol,  1911.)

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village ne se l'était pas appropriée, je l'aurais enlevée
moi-même ». Un autre ajoutait : « Dépêchez-vous
d^en choisir chacun une, avant que nos jeunes gens
ne se les distribuent». Et chemin faisant, ils se pré¬
paraient à l'ouvrage qu'ils méditaient, ils aiguisaient
les sabres et les coutelas, et les gardaient à portée
de la main ; d'autres préparaient leurs armes et leur
poudre.

Cependant Merzouhi, voyant son honneur et sa
vertu menacés, ne tenait plus en place; et voulant
mourir, elle suppliait son mari de la frapper avant
qu'elle soit tombée dans les mains de ces individus
iniques. « Prends ton couteau de poche, lui disait-
elle, et plonge-le dans ma poitrine, pour conserver
intact l'honneur de ta femme et la rendre éternelle¬
ment heureuse ». Vaincu par ses supplications et ses
pleurs, le pauvre mari perdit la tête et finit par
accéder à sa demande : il l'immola comme un agneau.
Elle ferma les yeux, et un flot de sang coula sur les
genoux du mari que la douleur rendait insensé.

La bande sanguinaire commença alors à faire
tournoyer en l'air les haches et les épées, et les cris,
les plaintes et les gémissements s'entremêlèrent
d'une façon terrible. Une quinzaine de belles nouvelles
mariées et de jeunes filles, condamnées par ces brutes
furent emportées une à une et séparées de leurs
bien-aimés. Une d'elle suppliait qu'on épargnât son
frère, dont elle voulait racheter la vie au prix de son
honneur ! Les autres victimes, livrées à la brutalité
de la bande, étaient ensuite mutilées et fusillées.

Un beau vieillard aux habits noirs se trouvait aussi
entre leurs mains ; on lui entoura la tête de brindilles
de bois et de bruyères sèches, et on y mit le feu pour
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