Brézol, Georges. Les Turcs ont passé là

(Paris :  Brézol,  1911.)

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LES  TURCS   ONT  PASSE  LA...                   325

Au dehors, une foule en détresse; des voix fémi¬
nines déchirantes se mêlent aux pleurs des enfants, ce
sont des femmes arméniennes qui sont venues voir
une dernière fois leurs bien-aimés... Derrière elles,
sont placées quelques femmes musulmanes silen¬
cieuses et hébétées. Quand nous passons à côté
d'elles, le rayon de leur regard sombre est fixé sur
nous, à travers leur voile noir ou rouge...

Pourtant les femmes arméniennes pleurent triste¬
ment, abîmées dans une douleur inconsolable et
n'entendent aucune phrase de consolation ; la police
se fâche, se met en courroux, devant cette scène
de malheur : incommodée qu'elle est au milieu
des pleurs et des lamentations des femmes et des
cris d'enfants, voilà que le fouet s'élève en l'air
et claque avec bruit sur des poitrines demi-nues, sur
des membres déjà blessés, un remou ébranle cette
foule dense, les agents de police tapent toujours dans
le tas, la foule recule et s'éloigne.

On entend pourtant toujours des pleurs, car
les mères, les épouses et enfants des condamnés,
sont restés là quand même, sous les coups de
fouet, il ne se sont pas éloignés et persistent à pro¬
tester, les yeux toujours fixés du côté de la porte de
la prison où, parmi le tas de criminels, ils aperçoivent
un des leurs...

Nous avons aidé dans la mesure du possible ces
pauvres condamnés ; ils ont reçu quelques menues
pièces de monnaie, du linge, des couvertures, etc.,
etc. Quant à la délégation patriarcale, elle leur a
envoyé une voiture pour faciliter au moins leur
pénible voyage.
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