Ibn Batuta, Voyages d'Ibn Batoutah (v. 3)

(Paris :  Imprimerie Nationale,  1874-1879.)

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VARIANTES ET NOTES.                        453

les faisait passer. Tout à coup, on me prit aussi et l'on m'entraîna vers
le feu; mais, dès que j'eus d'il : «Je suis un de ses adhérents», on me
relâcha. En conséquence, je montai sur cette colline, etje vis que le
vieillard en question était ie cbeïkii Roûzbébân; je m'approchai de lui
et je tombai à ses pieds. Il m'appliqua un si violent soufflet sur l'occiput,
que je fus renversé sur la face et il me dit : « Désormais ne blâme plus
«les gens de bien,» Après cela, je revins de mon extase, je vis que le
cheïkh avait terminé sa prière, ie m'avançai et frottai mon visage sur ses
pieds. Le etieïkh m'appliqua indubitablement un second soufflet sur l'oc¬
ciput, et prononça la même parole. Par ce motif, ia présomption dis¬
parut de mon caractère; le cheïkh Roûzbéhân me renvoya près du cheïkli
'Ammâr Yâcir et lui écrivit : «Envoie-moi tout le cuivre que tu as, pour
«que je le change en or pur et que je te le renvoie ensuite. » Le cheïkh
Nedjm eddîn ayant passé quelque temps près du cheïkh 'Ammâr, obtint
son congé lorsqu'il eut atteint la perfection dans la vie contemplative.
Il se rendit à Khârezm, et s'y livra à la direction spirituelle des musul¬
mans.

On rapporte qii'à l'époque où l'armée mongole se dirigea vers Khâ¬
rezm, Djenguiz khân et ses enfants, qui avaient connaissance du haut
rang du cheïkh Nedjm eddîn dans là religion musulmane, lui envoyèrent
à plusieurs reprises un émissaire et le prièrent de sortir de Djordjânieh,
afin qu'aucun dommage n'atteignît sa personne bénie. Mais le cheïkh
n'accueillit pas cette demande et répondit : « Nous avons vécu au milieu
de ces hommes pendant qu'ils étaient tranquilles et en repos, comment
nous serait-il permis de votjoir nous séparer d'eux au moment où l'afllic-
tion et la peine les atteignent?» Lorsque cette armée terrible arriva près
de Khârezm, le cheïkh Nedjm eddîn donna au cheïkh Sa'd eddîn Ha-
mawy, au cheïkh Ridha eddîn 'Aly Lâlâ, et à quelques autres de ses prin¬
cipaux compagnons, au nombre de plus de soixante personnes, la per¬
mission de sortir de cette ville. Ils lui dirent : « Qu'arrivera-t-il si le cheïkh
fait des vœux pour que cette affliction soit écartée des contrées musul¬
manes?» Le cheïkh répondit : «C'est un arrêt irrévocable de la provi¬
dence; on ne peut y remédier par des prières.» Ces hommes lui dirent
alors : «Il est donc convenable que le cheïkh nous accompagne dans ce
voyage.» Il répliqua : «Je n'ai pas la permission de sortir; je serai martyr
dans cet endroit.» Ses disciples, lui ayant fait leurs adieux, se disper¬
sèrent dans toutes les directions.

Le jour où les Mongols entrèrent dans la ville, le cheïkh manda plu¬
sieurs personnes qui étaient restées près de lui et leur dit : « Levez-vous
au nom de Dieu, et combattez dans la voie de Dieu. » Il se leva alors, se
couvrit de son froc, serra sa ceinture, remplit sa poitrine de pierres et
prit dans sa main une javeline. Dans cet équipage, il marcha contre les
Mongols et leur jeta des pierres, jusqu'à ce que celles qu'il avait prises
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