Brézol, Georges. Les Turcs ont passé là

(Paris :  Brézol,  1911.)

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LES TURCS ONT PASSÉ LA..»                   315

Constitution ottomane. — La Turquie était calme et
les démonstrations de fraternité allaient leur train.

Nous avions marché huit jours sans nous arrêter
dans aucune ville ni aucun village. Nous étions de
malheureux voyageurs besogneux et cherchant for¬
tune. Nous avancions, nos provisions sur le dos, sans
souci, et nous ne pensions guère à l'affreuse destinée
qui nous guettait.

Nous étions arrivés à l'auberge du village El Oglou
à six heures de Marache, notre muletier avait une
physionomie extraordinaire. Les voyageurs turcs
qui s'y trouvaient chuchotaient entre eux, là ils
se séparèrent des arméniens, en nous enfermant
dans l'auberge. — Au bout de quelques minutes
une bande nombreuse armée de haches et sabres,
accompagnée de tambours et zourno (clarinette)
s'avançait vers nous avec l'air d'aller à une fête.

Qu'est-ce qui se passait ? Quelle était la raison et
le but de ce mouvement imprévu? —Notre ignorance
des faits doubla notre terreur et pressentant un grand
malheur, nous nous confiâmes à notre destinée.

Nous étions 36 arméniens, infortunés et malheureux
voyageurs, des jeunes hommes et même des adoles¬
cents. — Nous étions résolus à faire à pied des kilo¬
mètres de route, pour gagner notre pain par un dur
travail dans une ville étrangère.

U était sûr et certain que nous courions un grand
danger et nous étions blottis dans un coin de l'au¬
berge. Nous attendions avec un angoisse mortelle, la
fin proche de notre mauvaise fortune !...

La bande furieuse s'approcha de nous, enfonça la
porte, la voilà tout près de nous, cette sauvagerie
armée avec les instruments destinés à nous égorger
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