Brézol, Georges. Les Turcs ont passé là

(Paris :  Brézol,  1911.)

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320                 LES turcs ont passé la...

Quand on songe qu'il n'y a pas vingt ans que,
dans une autre région de cette terre d'Afrique, avant
la conquête civilisatrice du Dahomey par la France,
les sacrifices humains constituaient une coutume,
formaient une fête tragique qu'un peuple attendait
de son roi ! Il existe encore bien des prisonniers de
notre domination qui furent les témoins de ces mas¬
sacres, qui virent une foule délirante se disputer les
restes des captifs garrotés dans un long panier, que
Béhanzin avait jetés aux bourreaux. Ils se rappellent
les têtes qui étaient, de distance en distance, plantées
sur les murs de la demeure du roi.

Les assassinats en masse de l'Asie Mineure ne
datent pas de vingt ans : ils sont d'hier, ces scènes
ignobles sont encore présentes à toutes les mé¬
moires. Dans une véritable ivresse de sang, des
bandes déchaînées tuaient pour le plaisir de tuer,
avec mille raffinements, avec une sorte d'horrible
fantaisie. Le temps semblait être revenu des débau¬
ches sanglantes de cet Ahmed le Boucher, dont la
figure semblant ne plus se rattacher à l'humanité,
fut naguère évoquée par M. Edouard Lockroy. Il se
fût encore reconnu le chef de ces brutes.

C'est presque constamment qu'en quelque coin du
monde se perpétue la férocité et non seulement chez
des peuples sauvages, mais dans une demi-civilisa¬
tion ! Et c'est quelque chose comme un sentiment de
honte qu^on éprouve, quand on pense que, à notre
époque, chez des nations policées se rencontrent des
tortionnaires, capables, pour arracher des aveux à
des révoltés prisonniers, de rénover d'anciens sup¬
plices ou d'en inventer d'autres...
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